Marge fait ses classes !

Vaillants sont ceux qui ont accepté de rester quatre heures dans une pièce sans fenêtre le samedi 26 mars après-midi alors que dehors le soleil inondait Paris ! En partenariat avec deux associations étudiantes, On’ média et La Gazelle, le collectif Marge a partagé avec une douzaine de jeunes curieux leur passion et leur travail de petits dessinateurs de presse. 

La Gazelle et On’ média sont deux associations étudiantes actives depuis quelques années. La particularité de ces associations est qu’elles ont chacune à un moment donné fait appel et invoqué le dessin de presse dans leurs colonnes. Depuis sept ans maintenant, La Gazelle publie chaque année des numéros thématiques papier, où le dessinateur s’attèle au même exercice que les rédacteurs, c’est-à-dire cerner un sujet et en proposer une approche singulière. On’ a aussi des éditions papier, mais c’est par son implantation numérique qu’il excelle. Ces deux associations sont importantes pour la vitalité intellectuelle du monde étudiant et qu’elles continuent à valoriser le dessin de presse signale que le dessin de presse ne s’est pas échappé d’une génération plus jeune. 

C’est aussi le pari de Marge qui dans le cas du collectif se trouve de l’autre côté du dessin. Le 26 mars donc, à l’occasion de la semaine de la presse, s’est tenue une demi-journée qui mettait le dessin à l’honneur. Dans un premier temps, quatre dessinateurs du groupe sont venus présenter leurs dessins, approche personnelle et s’en est suivie une batterie de questions venant des participants à la journée. L’un demande : « Est-ce que vous sentez que c’est nécessaire quand on dessine, surtout sur la politique, de rencontrer des personnes qui n’ont rien à voir avec le dessin ? On a l’image du dessinateur qui travaille seul dans son atelier et qui ne sort pas trop. Vous faites des trucs pour nourrir votre travail ? » Salle hilare, car effectivement la bande de dessinateurs face aux étudiants ne collent pas trop avec l’image que l’on se ferait du dessin de presse. L’idée de cette rencontre était justement de se dire que bien que dessinateurs et participants avaient le même âge, ils ne faisaient guère la même chose. Alors pourquoi ?

Un dessinateur balance : « Je dessinais un peu et j’arrivais à un moment de mes études où je commençais à me former politiquement. Est arrivé un moment où j’ai réussi à conjuguer les deux, et c’est comme ça que je me suis orienté vers le dessin de presse. » Un participant rebondit : « Mais il n’y a pas d’école ou de formation ? » Réponse : « Non, pas de BTS ou prépa dessin de presse, du coup ça se travaille comme on peut, dans son coin. » 

Après cette première phase de discussion et une petite pause au soleil, toute l’équipe est retournée dans la salle d’atelier, transformée en salle de rédaction à l’occasion de ce deuxième moment : l’initiation au dessin !

« Comment on fait si on ne sait pas dessiner ? »

Une chose en son temps ! D’abord, trouver l’idée. Les dessinateurs ont présenté leur méthode de travail, c’est-à-dire la manière qu’ils ont de trouver leur idée de dessin et puis par la suite de le mettre sur papier. « Ça doit être initié par une petite colère ou une émotion que l’on ressent en réaction à quelque chose qui se passe dans la société ou l’actualité. Identifiez quelque chose qui vous met en rogne ! » Sont sortis : McKinsey, les filles Afghanes privées d’école par les Talibans, les dérives du métavers, la guerre en Ukraine, le changement climatique… On se rend finalement compte qu’on est rapidement pris de colère quand on s’attarde sur le bordel du monde. Certains n’avaient pas d’idées au départ, mais en parlant avec les autres, la bonne idée et sa vanne ont réussi à émerger. « C’est plus facile pour vous de travailler en groupe ou tout seul ? Enfin, vous trouvez plus d’idées avec les autres ? » lance une participante. « Le collectif fait qu’on peut réfléchir à de meilleurs dessins, c’est certain. Après, parfois ça vient quand on travaille tout seul. Mais confronter ses idées ou ses dessins aux autres permet de l’améliorer. Ou aussi de dire que c’est de la merde. Le groupe c’est le crashtest pour nos dessins en fait» Après avoir réalisé quelques dessins, les participants sont allés les patafixer au mur pour que tout le monde puisse les regarder. Et des rires ! 

S’est ensuivi un dernier moment. La salle rangée, le petit groupe s’est retrouvée en terrasse pour un dernier moment de cette après-midi de mars. Le pari était de changer de cadre et de discuter autour d’un verre de sujets un peu plus clivants concernant le dessin de presse. Il faut avouer que dans un premier temps, il s’agissait de se détendre après ces quatre heures relativement intenses. Dessinateurs et participants cependant ont continué à parler de leurs parcours différents, jusqu’au moment où une participante lance :

« Pour revenir sur les dessins un peu scandaleux, je dois avouer que parfois je ne comprends pas certains dessins qui me semblent gratuits. Je ne sais pas ce que vous en pensez ? »

Et bim, la discussion s’est naturellement lancée. « Moi je peux comprendre qu’on soit choqués parfois, l’humour noir par exemple c’est fait pour choquer. Quand on rigole de la mort, on ne rigole pas des morts mais on rend risible un truc grave. » Pas faux. Réponse : « Le truc c’est que quand tu mets en scène des morts, tu rigoles de la mort certes, mais les concernés de près ou de loin, les proches ou les victimes ne trouvent pas ça drôle je pense. » Jurisprudence « Séisme à l’italienne » de Félix. « Oui mais dans ce cas-là faut considérer que y’a des victimes dans tous les sujets que le dessin traite, et si tu entres dans une démarche où tu souhaites ne blesser personne et bien ça devient compliqué de faire des trucs marrants. » Quelqu’un entre dans le débat : « Après je pense que typiquement le dessin de Félix, quand il a été publié l’idée n’était pas de l’envoyer aux hôpitaux italiens ou aux obsèques des uns et des autres. Le problème c’est qu’on a l’impression que quand c’est publié c’est fait pour tout le monde. Bah non. » Un dessinateur : « D’où l’importance du contexte de publication ! » 

L’idée de cet événement était de mettre en relation des jeunes du même âge mais qui font des choses qui n’ont rien à voir. Le dessin de presse était une sorte de curiosité ou de chose qu’ils connaissaient par le biais de polémiques médiatiques. Le fait de pouvoir discuter avec des jeunes qui pratiquent comme ils peuvent ce genre avait pour objectif de démêler des a priori et de pouvoir librement discuter de sujets et d’autres concernant ce média. Comme dirait une personne au moment débat : « Le monde est pourri, je comprends que des gens essayent d’en rire. »