Dernier Atelier Dessinez, avec Riss & Biche
À la mi-février s’est tenu le troisième et dernier Atelier Dessinez, concluant ainsi le cycle de formation que propose Dessinez Créez Liberté aux jeunes adeptes du dessin de presse. L’objectif de cette formation, en plus d’apporter des conseils pratiques à ces jeunes, est de les faire se rencontrer pour qu’émerge de ces moments le sens du collectif afin qu’ils puissent par la suite travailler entre eux. Quel bonheur ce fut alors de les retrouver bavards et rieurs pour le début de ce dernier atelier !
Au programme : toujours la réalisation de dessins sur l’actualité chaude du moment, mais aussi le traitement du thème du Prix Charlie 2022 : « demain, le métavers. » Et pour cause, les deux professionnels de cet atelier étaient Riss et Biche de Charlie Hebdo…
Biche étant arrivé en avance les jeunes participants ont pu discuter avec lui le temps que les choses se mettent en place. Il a démarré sa présentation en parlant de son parcours et notamment du fait qu’il a remporté le Prix DCL en 2018 (ancêtre du Prix Charlie) et le coup de cœur Presse Citron il y a quelques années. Il a ensuite montré ses dessins en prenant soin de présenter d’une part les sujets qui le révoltent particulièrement et d’autre part la méthode qu’il applique pour réaliser ses dessins. On entend les rires de certains à la vue des dessins grinçants de Biche qui ne peuvent pas laisser indifférent.
Puis, Riss entre dans la salle. Les paupières en grand écart, les jeunes participants témoignent par les billes rondes de leurs yeux l’émerveillement et l’intimidation à la vue du dessinateur, car personne ne savait qui viendrait encadrer ce dernier atelier. Riss s’assied en bout de table et regarde Biche finir de présenter ses dessins. Avant de présenter les siens, Riss explique aux jeunes son approche du dessin de presse. Le commentaire que le dessinateur apporte à propos d’un événement de l’actualité doit venir des tripes parce que le dessin de presse ça doit être un truc « d’énervé et d’enragé », une réaction viscérale qui vient de soi causée par un agacement. Il insiste sur le fait que le point de départ dans l’élaboration d’un dessin doit venir de cet énervement et de ce sentiment de révolte. Vient ensuite l’aspect graphique du dessin. En somme, un dessin vide de cet agacement ou de ce commentaire d’énervé est d’une certaine manière pauvre. Riss insiste et s’adresse aux jeunes : « qu’est-ce que vous avez envie de dire ? Qu’est-ce que qui vous révolte ? C’est de ça qu’il faut partir. Trop souvent les jeunes dessinateurs se limitent à faire des dessins moyens en rebondissant avec quelques trucs graphiques sur des sujets d’actualité. » Ce que le directeur de publication de Charlie Hebdo signale aux jeunes c’est la nécessité de l’exigence en ce qui concerne le dessin de presse, car ce dernier est « difficile », et si cette affaire était « facile » ça ne serait pas intéressant.
Il montre ensuite ses dessins aux jeunes hilares face à des tronches, des gueules et des visages de personnalités et de politiques dans des situations ridicules. Il précise : « une fois qu’on sait ce que l’on veut dire, il faut après trouver le truc graphique, la mise en scène et surtout le sens de la formule qui va bien. » Il insistera plus tard sur la nécessité de s’adonner à la caricature, pas celle de la place du Tertre, mais celle de Cabu. Car « savoir caricaturer des politiques ou des personnalités est un atout pour le dessinateur, et une bonne caricature fait la moitié du travail parfois. » Il évoque Félix qui au journal a ce génie de réaliser des caricatures si brillantes que le dessin pourrait se limiter à cela.
Après quelques questions entre les jeunes et les deux dessinateurs professionnels, un bref échange autour du thème du Prix Charlie sur le métavers. Biche avance que ce qui le préoccupe dans cette histoire c’est la perte des « relations sociales » que cela impliquerait. Un des jeunes évoque toutefois que « l’esthétisme » produit par les projections de ce futur proche est assez intéressant, quand d’autres dans la salle discutent de l’aspect spéculatif de cette nouvelle économie. Les jeunes dessinateurs avaient préparé quelques idées de dessins et alors que tout le monde grattait et encrait, une des dessinatrices se lève et dessins en mains se dirige vers Riss et Biche pour leur montrer ses croquis. L’idée bien attirante d’avoir un moment privilégié avec les deux dessinateurs s’est répandue dans la salle et les jeunes participants se retrouvent, presque le ticket en main, à faire la queue pour montrer leurs idées et leurs dessins aux deux pointes de Charlie.
Les dessins qui s’accrochent au mur appellent la fin de l’atelier. Une fois les brouillons, les croquis non terminés et les dessins presque aboutis à la verticale, la partie de crit’ peut commencer. C’est l’occasion pour Riss et Biche de délivrer quelques conseils et commentaires. Ils précisent tous les deux qu’il ne faut pas se contenter de ce qui ressemble encore à un embryon d’idée, ou un brouillon. Il faut « aller plus loin ». En d’autres termes, au boulot !
Les participants sont sortis de cet atelier remués. Une jeune dessinatrice raconte : « j’ai montré mes dessins aux deux dessinateurs et j’en suis sortie chamboulée car il a fallu que je me remette totalement en question. C’était intense, mais nécessaire si je veux faire mieux ensuite. » L’exigence évoquée par Riss semble avoir fait mouche dans certains esprits du groupe. Un dessinateur lance : « maintenant il faut bosser ! » Le groupe s’est retrouvé après l’atelier pour boire un verre et une personne raconte que « cet atelier était sans doute le plus dense » et il est indéniable que celui-ci restera dans les têtes de tous lorsqu’il s’agira par la suite de dessiner.
Une semaine plus tard, Riss a proposé à ceux et celles qui ont participé à l’atelier de se réunir encore une fois pour une séance d’approfondissement. Dans un cadre un peu plus informel, six jeunes ont retrouvé le patron afin d’échanger encore un peu. Le dessinateur est venu avec un polycopié et les amateurs ont écouté ses conseils sur la caricature et la recherche d’idée comme s’ils étaient dans une salle de classe. En plus, certains avait apporté des dessins pour le Prix Charlie et des dessins sur l’actualité, qui ont tous été l’objet d’une analyse et d’un décryptage de la part de Riss. Formulation, texte, lettrage, positionnement des éléments, mise en scène, bref, toutes les composantes d’un bon dessin ont été abordé, mais le plus important conseil de Riss est venu conclure ce moment privilégié : « fendez-vous le cul ! »
Ce dernier atelier vient donc clôturer cette première année de formation au dessin de presse que Dessinez Créez Liberté propose. En espérant maintenant que l’année prochaine, pêchés aux différents concours de dessin du mois de mars, d’autres jeunes viennent se regrouper et viennent inonder les tables de dessins aux prochains Ateliers Dessinez.
Ce projet est soutenu par la BnF, le Théâtre13, le Trophée Presse Citron {BnF, la Mairie du 13e et tous les professionnels qui ont répondu à l’appel.