Une journée au tribunal avec Christophe Raumel et une vice-procureure

Christophe Raumel, procès des attentats de janvier 2015 © Boucq pour Charlie Hebdo, septembre 2020.

6 octobre 2020

DCL emmène le groupe de lycéens entendre l’audition de Christophe Raumel, accusé d’avoir participé à l’achat des armes et du matériel fournis à Amedy Coulibaly pour les attentats de Montrouge et de l’Hyper Cacher. Il est le seul à ne pas être poursuivi avec une qualification terroriste. Il est accusé d’association de malfaiteurs et comparaît libre. Termes techniques, niveau de langage, appréhension du témoignage, réquisitoire, questions des parties civiles, défense, déposition, etc., après un temps d’échanges quant à l’interrogatoire de Raumel, les médiatrices de DCL organisent une rencontre avec Marion Hebert, vice-procureur de la République auprès du parquet de Paris.

  • Première question de la salle : Comment doit-on vous appeler ?Réponse de l’intéressée: Pas de Maître, mais Madame la procureure. Et en France, on ne dit pas non plus Votre Honneur (litem ayant été suggéré, ndlr), surtout pas !Elle ajoute : “Vous êtes venus deux fois au tribunal ? Cest drôlement important, cest une vraie démarche, racontez-moi un peu, cest un super projet.
  • Et de raconter et d’expliquer elle-même ensuite le fonctionnement du parquet, ses divisions spécialisées, le rôle de procureur, des juges, et de répondre aux questions de l’auditoire.

Les magistrats nappartiennent pas au ministère de la Justice, ils sont indépendants, avec un statut particulier, dit-elle, soulignant le principe de l’indépendance de la justice.

Rencontre avec Marion Hebert, vice-procureure, 6 octobre 2020.
  • Les études nécessaires pour devenir procureur ? “Il faut faire l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature), un cycle de 35 mois environ, sur concours mais avec beaucoup de possibilités d’accès selon les âges. Mais il faut faire du droit, ça c’est sûr ! Ensuite, on nous apprend notre métier, très technique, et cela passe par l’apprentissage du code de procédure pénale. Ensuite, vous êtes affectés à une juridiction et il faut faire ses preuves : assister à des audiences, préparer des dossiers, préparer des procédures, etc. On vous forme, on ne nous lâche pas dans la nature du jour au lendemain. Ensuite, vous prêtez serment et puis ça roule, ou ça ne roule pas, mais en général, ça roule.”
  • Quid du fameux marteau audible dans certaines séries ? “En France, il n’y a pas de marteau. Tout simplement parce qu’on a décidé qu’il n’est pas utile. Notre parole suffit. Le marteau vient du droit anglo-saxon.
  • Est-ce que le procureur mène l’enquête ? “Oui, avec la police judiciaire, c’est-à-dire à la fois avec des policiers et des gendarmes. On la mène tellement que la police judiciaire est sous notre contrôle aussi.”
  • Est-ce le procureur qui qualifie ? “Oui, le juge d’instruction est saisi par notre qualification et il ne pourra se prononcer que sur cette dernière.”
  • Marion Hebert rappelle également la particularité de la procédure orale aux assises : “Tout doit être repris, vu, écarté. On reprend vraiment tout. C’est une protection de plus pour la défense, la société, le juge. En correctionnelle, cela se déroule autrement.”
  • Elle définit le rôle de chaque acteur d’un procès et mentionne que toutes ces fonctions viennent de la loi, et donc du parlement : “Il y a des textes, on n’invente rien, on ne fait pas joujou, Il ne faut pas croire ! (…) Tout cela est fixé par des règles, des normes. Et heureusement. Ce n’est pas nous qui les inventons, c’est le peuple français qui donne pouvoir aux députés et sénateurs pour voter la loi. C’est la loi qui dirige tout cela. Avec des imperfections, des difficultés de fonctionnement, et parfois des erreurs de notre part, hélas.” Mais point de laxisme dans cette maison, chaque erreur est sévèrement sanctionnée par le Conseil Supérieur de la Magistrature, précise-t-elle.
  • Les lycéens apprennent que son métier correspond à un panel “énorme” de fonctions différentes : “Si vous n’aimez pas du tout les flics, et bien vous n’irez pas au parquet, ça c’est sûr. Vous serez peut-être juge. Peut être juge des tutelles, juges pour enfant, en contact au maximum avec les familles. On peut donc passer de procureur au juge, du juge au procureur, ou encore demander une affectation à l’étranger. Cette mobilité est un réel avantage. J’ai eu trois métiers, d’abord juriste d’entreprise dans l’informatique, en France, aux USA et en Europe, ensuite, je suis devenue avocate au barreau de Paris et puis, magistrate. Tout est possible !
  • La plus grosse peine qu’elle ait donnée ? “Je n’ai pas donné ! J’ai requis 25 ans.”
  • Est-ce que ce métier peut-être psychologiquement difficile ? “Tous les jours. (…) Mais il faut faire son travail, nous sommes là pour protéger la société au nom de la société.”
  • Les qualités requises pour devenir procureur ? “De la technique, la volonté de progresser (d’abord parce que la législation va très vite), de la rigueur, vouloir aller au bout des choses. Mais on ne pousse pas la porte de la magistrature par hasard. C’est une vocation.”
  • Le meilleur de son métier ? “Quelqu’un qui a compris ce qu’il a fait et qu’on ne reverra plus jamais. Et on sait le reconnaître rapidement. Cela nous sauve de la noirceur.”