Rassemblement hommage à Samuel Paty
Soutien aux enseignants, pour la liberté, contre la terreur
Dimanche 18 octobre, Dessinez Créez Liberté était avec SOS Racisme, les syndicats enseignants, Charlie Hebdo, place de la République à Paris, et a pris la parole. Pour Samuel Paty : tout notre soutien à sa famille, ses proches, ses élèves et ses collègues. Non, vous n’êtes pas seuls.
Il y a cinq ans, au lendemain des attentats de janvier 2015, avec Charlie Hebdo et SOS Racisme, nous avons créé l’association Dessinez Créez Liberté, association d’éducation aux médias, au dessin de presse, à la caricature et à la citoyenneté.
Nous avons créé cette association parce que nous étions guidés par le même sentiment que Samuel Paty, par la même exigence et par les mêmes valeurs : nous voulions transmettre, éduquer, ouvrir des portes aux plus jeunes en leur donnant des clés de compréhension du monde.
Nous avons créé cette association pour ne plus jamais revivre ce que la France avait connu en janvier 2015 et de ce point de vue, nous avons échoué. L’horreur a de nouveau frappé et nous sommes révoltés par cet acte ignoble et la barbarie de son mode opératoire.
Aujourd’hui, nous sommes en deuil. Toutes nos pensées et notre soutien vont à la famille et aux proches de Samuel Paty assassiné pour avoir fait son job. Nous sommes à leurs côtés ici pour leur dire qu’ils ne sont pas seuls.
L’écrivain Yannick Haenel, qui couvre chaque jour le procès des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’Hyper Cacher, a eu les mots justes pour dire ce que nous pensons tous ici : « Qu’on assassine un professeur parce qu’il essaie de penser avec ses élèves, qu’on le tue parce qu’il se tue à essayer d’expliquer, comme tous les enseignants, qu’on ne tue pas quelqu’un qui ne pense pas comme vous, ….c’est non seulement une abomination, mais c’est un attentat contre l’école elle-même, contre l’idée même d’éducation, contre la pensée, contre le fait de se parler, contre le fait de demander à quelqu’un ce qu’il pense ».
Samuel Paty expliquait ce que signifie être libre en France. Il expliquait la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire en dieu, la liberté de rire des religions et de railler ceux qui s’en réclament pour imposer leur vision totalitaire. Il expliquait la liberté d’expression et ses limites. Il expliquait la laïcité, ce principe d’égalité et d’émancipation de tous qui chapeaute toutes les autres libertés.
En France, on ne se fait pas justice soi-même. En France ce n’est pas la foi qui dicte la loi, ce n’est pas la foi qui dicte le contenu de l’enseignement.
Au procès des attentats de janvier 2015, les accusés ont ri devant les dessins de Charb, ils ont ri en se découvrant dessinés dans les pages du journal. Jusqu’ici savaient-ils seulement ce qu’est une caricature ?
Quand nous allons dans les prisons, quand nous montrons les caricatures du Prophète, les détenus incarcérés, certains pour radicalisation, s’étonnent toujours et nous disent « mais c’était juste ça les caricatures ? ». Oui, tout ça pour ça.
Il y a cinq ans, l’association Dessinez Créez Liberté est née d’une nécessité : après l’attentat, il était plus urgent que jamais d’initier au dessin de presse, à la satire et à la caricature. Il fallait donner aux élèves les clés pour pouvoir comprendre et analyser une image, une vidéo. Il fallait offrir au plus grand nombre des outils pédagogiques pour dialoguer et débattre de tous les sujets qui agitent la société. Sans démagogie, ni frilosité intellectuelle.
Depuis cinq ans, nous travaillons avec des professeurs animés par le désir de transmettre, qui s’efforcent chaque jour d’expliquer le monde et d’ouvrir le champ des savoirs.
Depuis cinq ans, nous allons dans toutes les écoles de France, les missions locales, les prisons et nous montrons toutes les caricatures.
Rien n’est tabou et on peut tout caricaturer. De l’ironie à l’autodérision, du jeu d’esprit à l’humour noir, du comique de situation à l’absurde, le dessin de presse ne manque pas de ressources pour nous forcer à faire un pas de côté salutaire, à muscler notre esprit critique et à penser par nous-mêmes.
Mais la caricature est un langage, avec sa grammaire, ses codes et ses techniques, qui nécessite des référents communs, une vaste culture générale, un appétit pour l’actualité, bref une grille de lecture spécifique pour être compris. C’est ce langage que nous enseignons. C’est ce langage que la future maison du dessin de presse devra valoriser. C’est ce langage que Samuel Paty transmettait à ses élèves.
En leur transmettant ce langage, il leur donnait la possibilité de devenir des hommes. Il les élevait en en faisant des citoyens un peu plus éclairés que les citoyens qu’ils étaient avant d’entrer dans sa classe.
C’est valorisant, c’est jouissif même, de comprendre une caricature, de comprendre les véritables intentions de son auteur s’en s’arrêter à l’impression – souvent fausse – qu’on s’en fait au premier regard. C’est encore plus excitant de savoir en débattre, de parvenir à exprimer son point de vue et de produire de la pensée par soi même.
Notre ennemi c’est l’ignorance. Loin de nous terroriser, cette nouvelle tragédie doit nous rendre plus combatifs encore. Il n’est pas question de nous infantiliser et de céder quoi que ce soit à ces logiques mortifères.
Que l’école de la République demeure le lieu de l’accès à tous les savoirs et celui de l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs qui nous unissent.
Dessinez Créez Liberté