Féminisme

Stéréotypes de genre. Charge mentale. Égalité des sexes. Sexisme.
BESSE, Causette, janvier 2015.

Le dessin est en bichromie (rouge et ocre). Il illustre deux personnages. À droite, une femme avec un balai porte un tablier rouge noué derrière le dos, des gants de ménage et des pantoufles. Ses cheveux sont recouverts d’un fichu. Ses yeux sont cernés. Elle ne dit rien. À gauche, une petite fille, reconnaissable à ses couettes et sa petite taille, est déguisée en super-héroïne : elle porte une cape rouge, une grande culotte, des gants et des bottines. Elle pointe son index vers la dame et l’invective en disant : « Maman, t’as mis ta cape à l’envers ! » C’est donc une scène entre une mère et sa fille.
En bas à droite, la signature de la dessinatrice : Besse.

Ce dessin a servi d’illustration pour une page qui faisait la parodie des horoscopes. Il a été publié en janvier 2015 dans Causette, un mensuel généraliste féministe pour les hommes et les femmes, dont la devise est « plus féminin du cerveau que du capiton ».
Mais ce dessin a-t-il seulement besoin d’être daté pour être compris ? Ce à quoi il fait référence n’est-il pas intemporel ?

Les femmes, ces héroïnes du quotidien.

La dessinatrice a utilisé la bichromie pour souligner son propos : en faisant ressortir le rouge, elle attire à la fois le regard sur la cape de la petite fille et sur le tablier de la mère, afin de forcer la comparaison entre le déguisement de super-héros de la petite fille et la tenue de quelqu’un qui se lance dans le ménage.
En invectivant sa mère par « Maman, tu as mis ta cape à l’envers ! », la fillette montre que pour elle faire le ménage quand on est une femme n’est pas naturel ou que c’est un jeu qui lui échappe.

La dessinatrice inverse les rôles et joue sur l’absurde de la situation : quand on est petit, on chipe les vêtements des grands pour les détourner et les réinventer en fonction de l’aventure qu’on a envie de vivre. Ici, la petite fille a récupéré un tablier et des gants de ménage appartenant à sa mère pour se déguiser en super-héroïne. C’est la fillette qui a mis le tablier à l’envers pour en faire une cape et s’amuser, pas la maman qui a pris une cape pour en faire un tablier. La mère ne joue pas : comme la majorité des femmes, c’est elle qui fait le ménage à la maison, et vu la tête qu’elle tire, ça ne l’enchante pas !

C’est un dessin féministe qui dénonce avec humour un problème de société, celui de la condition et de la place de la femme, cantonnée à s’occuper des tâches ménagères à la maison.
L’aplomb de la petite fille prouve que les choses sont en train d’évoluer : la fillette ne joue ni à la dînette ni au ménage ou à un jeu catalogué pour fille. Elle s’approprie de manière tout à fait naturelle l’univers des super-héros, comme Wonder Woman.

Elle a totalement intégré que les filles et les garçons sont égaux, qu’il n’y a pas de rôle spécifiquement masculin ou spécifiquement féminin, qu’il n’y a pas de stéréotypes de genre : le ménage n’est pas une tâche dédiée uniquement aux femmes. Elle laisse entendre qu’une fois qu’elle sera grande, elle ne sera pas cantonnée aux tâches ménagères comme sa mère. Et l’exhorte par la même occasion à sortir de ce stéréotype, à sortir de la conception traditionnelle et réactionnaire du rôle de la femme.

© Camille Besse

Paru dans Causette, en janvier 2015.