TERRORISME & PATRIMOINE

Daech. Islamisme. Génocide culturel. Guerre en Syrie.
FOOLZ, Charlie Hebdo, le 3 septembre 2015.

Le dessin est en noir et blanc, avec des pointes de rouge. On voit un homme chauve, portant une longue barbe, vêtu d’un caftan. Son air est sévère, il nous regarde dans les yeux.

En arrière-plan, des vestiges architecturaux de colonnes anciennes, semblables à celles de l’Antiquité. Le personnage a les deux mains posées sur le poussoir d’un détonateur artisanal relié à des explosifs situés aux pieds des colonnes. Le personnage est prêt à actionner la bombe.

Le dessin est titré : « Lycéens, remerciez Daech : »

Le personnage poursuit la phrase du titre dans une bulle : « on allège vos programmes d’histoire. »

En bas à droite, la signature du dessinateur Foolz.

En septembre, c’est la rentrée des classes. On intègre une nouvelle classe et on prend connaissance du programme scolaire des différentes matières de l’année, parmi lesquelles l’histoire. 

Au lycée, le programme d’histoire est consacré au XXe siècle dans le monde. On entend parfois les jeunes et les parents d’élèves dire qu’il faudrait alléger les programmes car ils seraient trop lourds.

Daech possède une unité spéciale chargée de la destruction du patrimoine culturel et procède depuis 2014 à la destruction systématique de vestiges archéologiques millénaires et au vol d’objets archéologiques appartenant au patrimoine culturel des territoires qu’il contrôle. Il a ciblé des sites religieux ainsi que des sites archéologiques antiques. La plupart de ces destructions sont réalisées à l’aide d’engins explosifs, à la masse ou au bulldozer.

L’auteur crée un effet de surprise en mélangeant deux actualités totalement décalées pour servir son propos : d’un côté, la rentrée des classes et les contenus des programmes d’histoire au lycée. De l’autre, la guerre, la terreur et les destructions systématiques commises par l’État islamique, incarné ici par le personnage qui manie les explosifs.

A-t-on envie de dire merci et de féliciter des barbares qui tuent, pillent, font table rase du passé et instrumentalisent une religion, ici l’islam, à des fins politiques, militaires et idéologiques ?

Plus incongru encore, imagine-t-on Daech et ses partisans songer au bien-être des lycéens français et vouloir alléger les programmes d’histoire ?

C’est un raisonnement par l’absurde. Le dessinateur utilise l’humour noir pour dénoncer les exactions de Daech et la gravité de l’anéantissement du patrimoine culturel de l’humanité. Il pointe également les méthodes de propagande des djihadistes qui se font de la publicité en filmant leurs exactions pour envoyer un message de puissance et de terreur partout dans le monde.

Enfin, ce dessin ironise sur nos échelles de valeurs : tandis que des écoles, des hôpitaux, des villes entières sont dévastés par les guerres, nous râlons parce que nous avons trop de devoirs, alors que les jeunesses des pays en guerre rêvent de recouvrer la paix, de retourner à l’école et d’étudier.