MIGRANTS & ÉCOLOGIE

Pollution plastique. Réfugiés climatiques.
SCHVARTZ, Charlie Hebdo, le 6 juin 2018.

Le dessin est en couleur et représente quatre personnages, mats de peau, portant des vêtements d’été et chargés de sacs. Parmi eux, une femme porte un boubou africain, un enfant dans le dos et un paquet volumineux sur la tête. Hilares, ils courent à grandes enjambées sur une couche de bouteilles et d’emballages plastiques qui flottent à la surface de l’eau.
Le dessin est titré : « La mer envahie par les déchets plastique ».

Au premier plan, le personnage central qui lève son pouce déclare dans une bulle : « Plus besoin de bateaux pour aller en Europe ! »
Il est signé Schvartz.

Le dessinateur associe deux actualités : les questions écologique et migratoire.
En 2018, le thème choisi par l’ONU pour la Journée mondiale de l’environnement (le 5 juin) est la lutte contre la pollution plastique. Parmi les 300 millions de tonnes de plastique produites par an en moyenne, entre 8 et 12 millions de tonnes finissent dans les océans, flottent au gré des courants, convergent et s’accumulent dans les gyres subtropicaux (zones de grands courants circulaires) pour former des aires de pollution immenses qu’on nomme le septième continent.
En juin 2018, le sujet des migrants qui tentent de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée est au cœur de l’actualité. Beaucoup d’entre eux meurent noyés en mer en raison d’embarcations de fortune surchargées, du manque d’eau douce et de nourriture, des tempêtes et des chavirages. On recense près de 17 000 morts et disparus en Méditerranée depuis 2014 : c’est la route migratoire la plus meurtrière au monde.

Le dessinateur adopte un point de vue humoristique pour dénoncer deux catastrophes contemporaines : la tragédie des migrants qui périssent en mer et l’ampleur de la pollution marine.
Il traduit la notion de « 7e continent plastique » au sens propre, comme s’il s’agissait d’une passerelle possible entre l’Afrique et l’Europe, sur laquelle les migrants, prêts à tout pour rejoindre ce qu’ils considèrent comme étant l’Eldorado occidental, peuvent marcher au lieu de monter à bord de bateaux de fortune.
Ici, la légèreté de traitement n’est qu’apparente : le dessinateur utilise l’humour noir pour forcer une mise à distance, ironiser sur nos modes de surconsommation et dénoncer la politique migratoire européenne. Il ne se moque ni des migrants victimes de noyades dans l’indifférence généralisée, ni de la tragédie écologique provoquée par les déchets plastiques sur la faune et la flore maritimes.
Ce dessin cherche à nous faire réfléchir à la question des migrations et à celle de l’environnement, d’autant que l’une des causes des déplacements de populations est directement liée aux bouleversements environnementaux qui poussent des millions de réfugiés climatiques à fuir leur pays d’origine.

© Schvartz
Paru dans Charlie Hebdo, n° 1350, le 6 juin 2018.