MIGRANTS & AYLAN KURDI
Routes migratoires en Méditerranée. Europe et politique d’accueil. Polémique. Traitement médiatique.
Le dessin est coupé en deux visuellement.
Sur la partie inférieure (en noir et blanc), il illustre une plage et un enfant inanimé, face contre sable, la tête dans l’eau et les bras contre le corps.
Sur la partie supérieure (en couleur), il illustre un grand ciel bleu sur lequel se détache le titre « Si près du but… » et un panneau d’affichage publicitaire planté dans le sable, avec le « M » jaune et le clown hilare de McDonald et un message : « Promo ! 2 menus enfants pour le prix d’un ».
En bas à droite, la signature du dessinateur : Riss.
Le dessin a été publié le 9 septembre 2015. Quelques jours plus tôt, le 2 septembre, un petit garçon syrien est retrouvé mort noyé, échoué sur une plage turque. Il s’appelle Aylan Kurdi : sa photo fait le tour du monde, elle est publiée en une de tous les journaux et crée une polémique sur les réseaux sociaux. L’image de ce petit garçon devient le symbole de la tragédie des migrants qui cherchent à traverser la Méditerranée dans des embarcations pour rejoindre l’Europe.
Ce dessin est publié en 4e de couverture de l’hebdomadaire dans la rubrique « Les couvertures auxquelles vous avez échappé » aux côtés d’autres dessins commentant cette actualité. Riss écrit également l’édito de ce numéro et consacre un paragraphe à la couverture médiatique de la photo d’Aylan. Solidaire des migrants, il raille les commentateurs qui croient aux miracles en pensant que cette image va « créer un sursaut et déclencher une prise de conscience en Europe ».
La photo du petit Aylan a fait les unes des journaux, le tour du monde des télés et des réseaux sociaux. Nous l’avons tous vue. Riss reprend donc cette image devenue virale en l’épurant totalement : sa position suffit à le reconnaître. L’enfant n’est ni caricaturé, ni détourné. Une façon pour l’auteur de dire qu’il n’a pas besoin d’en rajouter : la réalité se suffit à elle-même et cet enfant porte le poids d’un symbole suffisamment lourd.
En titrant son dessin « Si près du but… », associé à un panneau publicitaire qui fait la promotion d’un menu enfant, l’auteur sous-entend : « Dommage, l’enfant est mort avant d’avoir pu profiter de l’offre promotionnelle ! » Plutôt qu’un rire, on lâche un rictus nerveux face à la collision entre la pertinence du propos et l’absurdité du dessin : on sait bien que les migrants ne prennent pas ces risques inconsidérés en traversant la Méditerranée pour aller au fast-food mais uniquement pour survivre et rejoindre ce qu’ils croient être l’Eldorado.
L’essentiel ici n’est pas de rire, mais de réfléchir. Ce n’est pas un rire qui moque, c’est un rire politique et qui dénonce. Le dessinateur utilise l’humour noir pour mettre une distance salutaire avec la réalité, difficile à supporter. Il se place du côté des migrants qui espèrent atteindre une terre qui les protégera. Or, ce qui les attend, c’est l’ultra consumérisme, l’enfer du capitalisme et de la publicité à outrance où l’enfance n’est qu’une part de marché, un business comme les autres.
Voir le dessin de Luz, paru dans Charlie Hebdo le 23 septembre 2015.
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