LIBERTÉ DE CONSCIENCE

Laïcité. Athéisme.
LUZ, Charlie Hebdo, le 24 décembre 2014.

Le dessin est en couleur, avec des dominantes de rouge et de vert. Au premier plan, on voit deux personnages : une fillette qui tient un ours en peluche. Un garçonnet qui tient une petite voiture à la main. Au second plan, un sapin de Noël décoré avec des boules.
Les deux enfants discutent : dans une bulle, la fillette, le doigt en l’air, dit : « Le père Noël n’existe pas ». Le petit garçon la pointe du doigt, il semble mécontent et lui répond : « T’insulte ma religion ! »
En bas à droite, la signature du dessinateur Luz.

Un sapin de Noël, des enfants qui causent du père Noël, un dessin publié le 24 décembre… le dessinateur nous parle de Noël !
Noël est une fête religieuse chrétienne (la Nativité), célébrée chaque année par les chrétiens, dans la nuit du 24 au 25 décembre, qui commémore la naissance de Jésus de Nazareth, Jésus-Christ, et marque le début du calendrier chrétien. Elle est donc célébrée par les chrétiens (catholiques, protestants, évangélistes, etc.). C’est aussi devenu une tradition profane largement répandue où l’on se retrouve en famille ou entre amis autour d’un repas de fête pour s’échanger des cadeaux au pied du sapin.
Le père Noël est un personnage folklorique dont les racines remontent à des rites et croyances antiques. Depuis le début du XXe siècle, la célébration du père Noël n’est plus l’apanage des seuls chrétiens. Selon la tradition, sa fonction principale est de distribuer des cadeaux aux enfants sages pendant la nuit de Noël. Il se déplace dans le ciel, la nuit du 24 décembre, sur un traîneau tiré par des rennes (il se déplace en planche de surf en Australie) et dépose ses cadeaux dans chaque maison, en entrant par la cheminée s’il y en a une.
Il arrive un âge où l’on se rend compte que toute cette histoire de père Noël ne tient pas debout, qu’il s’agit d’une fiction, d’une histoire inventée, d’un récit imaginaire raconté aux enfants et entretenu par les adultes et les parents.
En disant que « Le père Noël n’existe pas », la petite fille affirme qu’elle ne croit plus en cette histoire. Et le garçon lui répond, fâché, « t’insulte ma religion ! » : il y croit encore et pour lui le fait de nier l’existence du père Noël signifie lui manquer de respect.

Libre de croire ou de ne pas croire en dieu.

Le dessinateur, par la voix des deux enfants, fait un parallèle entre croire au père Noël et croire en Dieu, entre le mythe du père Noël et les religions.

C’est une démonstration par l’absurde du droit de douter de l’existence de Dieu puisqu’il n’y a, finalement, pas plus de preuves de l’existence du père Noël qu’il n’y en a de celle de Dieu. Ici, Luz en appelle à notre esprit critique et célèbre la liberté de conscience, à savoir la liberté pour tout individu de choisir son système de valeurs et les principes qui guident son existence, qui est la liberté de croire ou de ne pas croire en Dieu, de douter de son existence, de pratiquer la religion de son choix et d’en changer, si on le désire.

Ce dessin vient rappeler qu’il n’y a aucune religion plus légitime qu’une autre, aucune conviction religieuse supérieure à d’autres. En France, la « liberté religieuse » fait partie des libertés publiques garanties par l’État, mais il n’existe pas de « liberté religieuse » qui serait supérieure aux autres libertés : si tout citoyen peut adhérer librement à une religion, les autres citoyens qui n’y adhèrent pas n’ont pas à respecter ses règles, ses dogmes et ses interdits. Ils peuvent la critiquer, la remettre en question, en rire.

Ce dessin nous fait réfléchir à l’attitude de ceux qui imposent leurs croyances aux autres et hurlent à l’insulte et au manque de respect dès qu’on les soumet à la critique. Or, respecter un croyant, c’est lui laisser la liberté de croire et de pratiquer sa religion. Respecter un non-croyant, un athée ou un agnostique, c’est lui laisser la liberté de ne pas croire en Dieu, d’en douter, d’en rire. Dans un État laïque, personne n’a le droit de forcer la conviction et l’adhésion d’un autre. On est des citoyens avant d’être des croyants.

Apprendre à penser par soi-même, à mettre en doute ce qu’on nous raconte permet de s’émanciper.

C’est grandir dans sa tête, comme lorsqu’on ne croit plus au père Noël.

© Luz
Paru dans Charlie Hebdo, n° 1175, le 24 décembre 2014.