CHÔMAGE & PRÉCARITÉ

Pauvreté. Restauration. Solidarité. Emmanuel Macron.
SOULCIE, telerama.fr, le 19 septembre 2018.

Le dessin est en couleur. On voit deux personnages en premier plan portant un t-shirt rouge et une foule d’anonymes sans fin en second plan constituée de personnages qui se tiennent calmes derrière une barrière, certains avec un bol à la main. La scène se situe en ville : on reconnaît un candélabre, le lampadaire urbain traditionnel, et des immeubles.
L’un des deux personnages porte une moustache, un gros nez et un sac contenant des baguettes de pain. Il baisse la tête et n’a pas l’air très heureux.
L’autre personnage tient un bol dans une main et une louche dans l’autre avec laquelle il remue le contenu d’une grande marmite fumante.
Il se tient derrière une table sur laquelle on lit « soupe populaire » et on reconnaît le logo de l’association du Secours populaire : la main ailée, ouverte et tendue, qui symbolise « l’appel aux autres et l’élan solidaire qui porte à secourir son semblable » (sic le Secours populaire).
Le dessin est titré « La restauration embauche » et le personnage qui remue la soupe y répond dans une bulle par : « Exact, on est submergés. Envoyez vos CV ! » Télérama surtitre l’ensemble du dessin par « L’œil de Soulcié : la restauration embauche (en face) ». « L’œil de Soulcié » est le nom de la rubrique dédiée au dessinateur Soulcié, dont on voit la signature en bas à droite.

Aux propos tenus par Emmanuel Macron : le 15 septembre 2018 lors des Journées du patrimoine, à un jeune horticulteur qui lui faisait part de ses difficultés à trouver un emploi, le président a rétorqué : « Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve ! », lui assurant qu’un restaurant sur deux embauchait. En 2018, selon une enquête de Pôle Emploi, le secteur prévoyait près de 290 000 recrutements dans le secteur de la restauration.
Cette phrase du président Macron : « … je traverse la rue et je vous en trouve [du travail] » n’est pas passée inaperçue et a donné lieu à de nombreux commentaires et dessins. D’autant qu’elle fait suite à la polémique suscitée par ce même Macron sur le « pognon de dingue » que coûteraient les aides sociales (le 13 septembre 2018, le président Emmanuel Macron avait d’ailleurs dévoilé sa stratégie de lutte contre la pauvreté, d’un montant de 8 milliards d’euros sur quatre ans).
Or une étude de l’Insee, sortie début septembre 2018, en partenariat avec l’Observatoire des inégalités, montre que la pauvreté s’intensifie et poursuit une tendance inquiétante, sous l’effet de la progression du chômage : la France compte entre 5 et 8,8 millions de pauvres, selon le taux de seuil de pauvreté adopté (50 % ou 60 % du niveau de vie médian), dont 2 millions d’enfants.
La soupe populaire est un lieu où est servi un repas gratuitement à ces personnes démunies.

Le dessinateur évoque la pauvreté grandissante et l’explosion des bénéficiaires des repas caritatifs.
Il critique la légèreté avec laquelle le président Macron aborde le problème du chômage et de la pauvreté. Un président qui sous-entend que les chômeurs ne cherchent pas de travail et attendent que ça leur tombe dessus. Une façon de les culpabiliser. Le dessinateur raille donc cette posture.
En associant le Secours populaire à un restaurant classique, il ironise car dans ce type d’association, le personnel est bénévole (le Secours populaire rassemble près de 80 000 bénévoles). Or un bénévole est une personne qui fait quelque chose à titre gracieux, de manière désintéressée et qui rend un service sans rémunération, sans en tirer de profit économique. C’est donc le serpent qui se mord la queue : si tous ceux qui se nourrissent à la soupe populaire deviennent bénévoles pour servir cette soupe, ils n’auront toujours pas de salaire et resteront bénéficiaires de ces repas ! Le dessinateur joue sur l’absurdité de la situation et fait de l’humour noir : il ne rit pas des pauvres, mais de la spirale de la misère. Il se moque de l’indélicatesse, voire de l’absurdité, des propos tenus par Emmanuel Macron tout en faisant preuve de solidarité avec les plus démunis.

Dessin de Soulcié. Paru sur telerama.fr, le 19 septembre 2018.