PETIT HISTORIQUE DU DESSIN DE PRESSE

La caricature et le dessin satirique viennent de loin. Tout ou presque a déjà été dessiné.

Depuis toujours il y a des gens qui critiquent le monde, qui raillent les travers de la société, ses abus, sa bêtise. Dès l’Antiquité, des personnages aux faces grotesques ornent les poteries grecques et naissent deux archétypes de la satire :

  • la satire « horacienne » d’Horace, qui se refuse à la polémique pour la polémique et à la méchanceté gratuite. Les dessinateurs Plantu, Geluck, sont les héritiers de ce genre.
  • la satire « juvénalienne » du polémiste Juvénal qui, à la fin du Ier siècle, pousse sans pitié la raillerie aussi loin que possible pour critiquer violemment Rome.

Son humour est cru et mordant, parfois offensant, mais il cherche à dénoncer la société romaine, hypocrite et décadente. C’est de cette forme de satire qu’est né l’humour « bête et méchant » qui définira le Canard enchaîné, Hara Kiri puis Charlie Hebdo.

Au Moyen Âge, la caricature est présente dans les sculptures extérieures et intérieures des églises et dans les miniatures. On représente Philippe le Bel en âne.

À la Révolution française, la caricature connaît une diffusion sans égale. Elle dénonce l’absolutisme, la monarchie de droit divin, la mainmise de la noblesse et du clergé sur le tiers état, la fiscalité, l’usure, la corruption. La caricature est un support de propagande qui a permis de développer l’esprit révolutionnaire, de militer pour les principes républicains, l’égalité, la liberté, l’abolition des privilèges. Comme de servir les discours des contre-révolutionnaires et de la droite réactionnaire.

La caricature pousse à réfléchir, éveille les consciences et l’esprit critique. En repoussant toujours plus loin les limites de la sacralité, elle nourrit l’émancipation individuelle et collective.

Au XIXe siècle, on prend le roi pour une poire, la censure est sévère mais les premiers journaux satiriques apparaissent, mêlant dessins et discours.

À partir du XXe siècle, la caricature devient anticléricale et les dessins satiriques ciblent violemment le pouvoir économique, social et politique d’une Église catholique qui s’immisce partout et dicte sa vision du monde, de la naissance à la mort, de l’éducation à la chambre à coucher.

D’anticléricale, la caricature devient antireligieuse, se mesure aux dogmes, aux dieux, aux messies, aux prophètes.

JOSSOT, L'Assiette au Beurre, 12 janvier 1907. ©BNF

Après le vote et l’application de la loi de séparation de l’Église et de l’État, en 1905, la presse satirique se délite et s’enferme, à l’exception notable du Canard enchaîné, dans des discours de haine, en particulier durant la période pétainiste. La caricature est politique et sert, aujourd’hui encore, les journaux satiriques d’extrême droite.

Dans les années 60, avec la technique de la ronéotypie, la presse alternative et les fanzines fleurissent, portés par une jeunesse contestataire, libertaire et souvent révolutionnaire, lasse de l’oppression morale et puritaine des années De Gaulle.

François Cavanna et Georges Bernier, alias Professeur Choron, bouleversent les canons du journalisme avec le mensuel Hara Kiri, une publication créative, caustique et corrosive, « un cri de défi lancé à la face des gens », car il s’agit pour François Cavanna « d’applaudir aux plus beaux exploits de la Bêtise et de la Méchanceté, en en rajoutant, en allant dans le même sens qu’elles mais plus loin qu’elles, le plus loin possible. Jusqu’à l’absurde, jusqu’à l’odieux, jusqu’au grandiose. Il faut taper là où ça fait le plus mal ! »

Régulièrement interdit de publication et progressivement en panne de lecteurs, Hara Kiri devient Charlie Hebdo en 1970.